SCS : J’ai
entendu dire que vous avez récemment eu l’occasion de prendre part à la
Conférence canadienne du Gouverneur général sur le leadership. Pourriez-vous
nous en parler un peu?
Jesse : J’ai
entendu parler pour la première fois de la conférence par une supportrice de
YouthCO qui y avait participé en 1991. Elle disait que l’expérience avait été transformatrice
et m’encourageait à postuler.
J’ai donc rempli le formulaire de candidature, puis
j’ai été appelé en entrevue et j’ai eu la chance de faire partie des 30
candidats choisis en Colombie-Britannique.
Le thème de la conférence était « Leadership et innovation »…
Ils étaient à la recherche de gens qui font preuve de leadership ou d’idées
novatrices dans leur domaine. En entrevue, j’ai décrit les programmes et
projets novateurs que nous avons développés chez YouthCO au cours de mon mandat
de directeur général, comme le projet Mpowerment,
notre programme de sensibilisation et d’éducation sur le VIH, et Know On The Go, la première clinique
mobile de santé sexuelle et de dépistage du VIH au Canada.
J’ai aussi signalé que YouthCO est un des rares
organismes dirigés par des jeunes, au pays, qui créent des occasions de
leadership avant-gardistes pour ceux-ci.
SCS : Que
voulez-vous dire par « occasions de leadership pour les jeunes »?
Jesse : Je
parle du mentorat et de la planification de la relève chez YouthCO. Tout le
monde a moins de 30 ans, dans l’organisme; ça implique de se concentrer sur des
domaines au-delà du recrutement, de la formation et du mentorat.
Nous sommes en quelque sorte une fabrique à leadership...
Des centaines de personnes ont été éduquées sur le VIH et travaillent à présent
pour divers organismes de lutte contre le sida et d’autres organismes
d’éducation et de santé. En fait, YouthCO a une longue liste d’anciens… et nous
en sommes très fiers.
SCS : On
dit que la Conférence canadienne du Gouverneur général sur le leadership utilise
des approches novatrices. Pourriez-vous nous parler de son déroulement?
Jesse : Plus
de 200 participants y sont venus de partout au Canada. Nous avons d’abord eu
une réunion de trois jours à St. John’s, Terre-Neuve, où divers leaders
communautaires se sont adressés à nous. Le conférencier invité, l’astronaute
Chris Hadfield, était fabuleux. Il nous a fascinés en expliquant le haut niveau
de leadership requis pour commander la station spatiale internationale.
Par la suite, nous avons été répartis en groupes
d’étude pour visiter chaque province et territoire du Canada. Trois groupes ont
été assignés à diverses régions de l’Ontario... Je faisais partie de la Visite
d’étude du Nord de l’Ontario. Nous étions généralement occupés de 6 h le
matin à 23 h le soir… Un officier de liaison militaire s’occupait de notre
horaire. Nous visitions des villes et des villages et arrêtions à divers
endroits pour découvrir des projets novateurs – la plupart visant à stimuler
l’économie – en particulier pour les jeunes de la région.
Il y avait aussi un point de mire clair sur
l’implication des populations indigènes dans le Nord de l’Ontario, et sur le
défi de les joindre dans une région dont la superficie est comparable à celle
de la France. Et nous en avons beaucoup appris sur les résultats de santé dans
la région.
SCS : Combien
de villes avez-vous visitées dans le Nord de l’Ontario?
Jesse : Nous
en avons vu plusieurs : North Bay, Sudbury, Sault Ste. Marie, Timmins et
Red Lake. Puisque les distances à parcourir sont énormes, nous avons dû prendre
l’avion à quelques occasions, avec Bearskin Airlines.
Nous avons eu la chance de vivre un vrai « samedi
soir à Sudbury » (comme dans la chanson de Stompin’ Tom), où nous avons
assisté à la prestation d’un groupe musical local.
À Red Lake, nous avons visité une mine Goldcorp. L’expérience
a été renversante. Pour mettre les choses en perspective, la hauteur du puits
de la mine est le triple de celle de la Tour du CN. Je n’avais jamais vu une
mine opérationnelle. L’exploitation minière a un impact majeur sur
l’environnement et les communautés locales. La visite a assurément éclairé à
mes yeux la controverse entourant les coûts-avantages de l’exploitation minière.
SCS : Quels
sont les points saillants de votre expérience?
Jesse : Je
crois que j’ai surtout appris à me connaître. J’ai interagi avec des gens ayant
une expérience et un parcours très différents des miens... Des représentants
d’entreprises et de syndicats, de jeunes dirigeants du secteur de l’énergie, des
propriétaires de petites entreprises, des fonctionnaires, des individus du
secteur à but non lucratif comme moi... avec des opinions allant d’un bout à
l’autre de l’éventail politique.
J’ai trouvé révélateur de visiter des régions très
rurales du pays. J’ai réalisé que je vivais un peu dans une bulle, à Vancouver
– et que les enjeux, les perspectives et les défis peuvent varier grandement de
ceux des centres urbains.
Sur le plan personnel, le fait d’être la seule
personne gaie de la Visite d’étude du Nord de l’Ontario m’a permis de me mettre
au défi. Par exemple, nous avons visité une église nouvellement construite qui
était plutôt novatrice de par sa structure unique de dôme en béton.
L’église appartenait à une congrégation baptiste;
après notre visite, nous avons eu l’occasion de poser quelques questions au
ministre. Je trouvais important de lui demander quel accueil est réservé aux
personnes LGBT dans sa congrégation. Il m’a répondu qu’il s’agit d’une église
conservatrice, qui considère que le mariage devrait être seulement entre un
homme et une femme, et qu’il pourrait être inconfortable pour une personne gaie
d’assister à ses services religieux. Cette réponse ne m’a pas surpris… mais je
trouvais important d’apporter ma perspective, pour que le reste du groupe
entende la réponse et en bénéficie. Cette expérience unique a resserré encore
plus nos liens.
SCS : Il
semble que le fait de passer autant de temps ensemble ait rapproché les membres
du groupe.
Jesse : Oui,
tout à fait. Nous avons passé dix jours ensemble. J’ai été étonné qu’on puisse
développer une amitié profonde avec des gens qui n’auraient probablement pas
fait partie de notre cercle habituel – et qui ont parfois des perspectives ou
des opinions politiques très différentes des nôtres.
SCS : Quelles
impressions garderez-vous de votre expérience?
Jesse : Cette
expérience enrichissante a ouvert mes horizons et m’a fait réaliser qu’il peut exister
un auditoire plus large pour nos messages de justice sociale et de changement
social.
Ça a aussi été révélateur pour moi de voir une partie
du pays qui n’offre pas les mêmes possibilités naturelles que Vancouver. J’ai
pris conscience que je vivais un peu dans une bulle, à Vancouver, où des choses
comme la réduction des méfaits ou l’accès aux traitements sont déjà acquises,
alors qu’elles peuvent être encore matière à débat dans d’autres régions du
pays.
Je me trouve chanceux d’être né et d’avoir grandi à Vancouver.
Il est sûrement plus difficile, en tant que gai, de grandir à Thunder Bay ou à
Red Lake... où les possibilités et les services sont plus limités.
SCS :
Que diriez-vous à quelqu’un qui envisage de postuler à la prochaine Conférence
canadienne du Gouverneur général sur le leadership?
Jesse : La
prochaine conférence est dans deux ans. Je dirais que c’est une excellente
occasion de développement personnel et de découverte de notre pays. Je
recommande fortement l’expérience à toute personne désireuse de susciter des
changements positifs dans la société.
SCS : Merci
d’avoir pris le temps de partager vos expériences avec nous.
Jesse : Merci
de votre intérêt.
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