Wednesday, June 3, 2015

Ron Rosenes, nommé à l’Ordre du Canada


Ron Rosenes
SCS : Félicitations pour ton prix de l’Ordre du Canada, Ron. Peux-tu nous parler de ce qu’a été cette expérience pour toi?

Ron : J’étais entouré de ma famille qui vit à Ottawa, notamment ma sœur, son époux et ma cousine. Et en compagnie de mon partenaire, qui est de Montréal. C’était merveilleux que ma famille et mon conjoint soient avec moi pour partager cette expérience. Ce fut une fin de semaine vraiment inoubliable – et j’ai beau avoir eu ma part d’expériences mémorables, celle-ci restera gravée en moi toute ma vie.

Il faisait très beau et la cérémonie proprement dite a été très émouvante. Tout de même, c’est incroyable d’être honoré parmi tant de personnes accomplies. Certes, c’est merveilleux d’être choisi pour l’ensemble de son travail, mais il s’agit en réalité d’un grand honneur pour l’ensemble de notre secteur – et par là je veux dire les communautés du VIH/sida et LGBTQ où je fais du bénévolat depuis plus de 25 ans.

SCS : Tu as vu bien des choses changer, au fil des ans. Parle-nous-en svp.

Ron : Oui, j’ai vu beaucoup de changement, en matière de progrès scientifiques. Je me suis d’abord considéré comme un survivant, puis avec le temps, comme un témoin. Et en vieillissant avec le VIH, je me vois aujourd’hui comme un pionnier. Aux yeux du public, le VIH est un problème médical, une maladie, qui est à présent « chronique et gérable ». On a beau dire que le VIH ne discrimine pas, et que tout le monde peut le contracter, mais il sait comment trouver les plus vulnérables parmi nous. Donc je considère qu’en plus d’être un virus le VIH est une maladie sociale qui pose des risques particuliers pour certaines personnes – celles qui n’ont pas un logis stable, qui n’ont pas fait d’études, ou qui ont vécu des traumatismes ou de la maltraitance pendant la petite enfance et peuvent avoir également développé des troubles de santé mentale et des dépendances.

Ayant eu le privilège d’une famille aimante et d’amis aidants ainsi qu’une bonne éducation, j’ai beaucoup réfléchi au fil des années à quel point cela m’a aidé dans le travail que j’ai fait, et à l’importance de rehausser la sensibilisation quant aux besoins réels qui correspondent aux vulnérabilités des gens au VIH. Cela relève de la justice sociale et ça nécessite que nous bâtissions des coalitions d’intérêts communs, pour réaliser des changements systémiques.

En même temps, nous devons élever la sensibilisation aux défis scientifiques qui persistent, dans la quête d’un remède, et nous assurer d’obtenir le soutien qu’il nous faut en prenant de l’âge.

 SCS : Tous ces enjeux qui marginalisent des gens dans notre société, les considères-tu comme un des principaux défis d’avenir?

Ron : Je trouve qu’il s’agit en effet d’un énorme défi; à mon avis, cela recoupe des maladies chroniques, comme la co-infection à hépatite C, de même que des réalités que je viens de mentionner, comme la dépression, le manque de logement stable et bien d’autres choses. L’ampleur de ces défis sociaux et médicaux dans la vie des gens a réellement des répercussions sur leurs résultats de santé.

SCS : J’ai entendu dire que tu as rencontré la ministre de la Santé, Rona Ambrose, pendant la cérémonie de l’Ordre du Canada?

Ron : De fait, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec la ministre Ambrose lors de la réception suivant la cérémonie. Puisque nous n’avions jamais fait connaissance, j’étais très heureux d’avoir la chance de lui parler et de la remercier de l’intérêt qu’elle a porté à notre travail sur le VIH/sida. Et nous avons convenu de poursuivre notre conversation. J’ai trouvé intéressant d’apprendre que Santé Canada planifie une campagne pour atténuer la stigmatisation et la discrimination liées au VIH. Nous avons eu un échange intéressant sur le sujet, car plusieurs d’entre nous considèrent qu’il s’agit d’un des plus grands défis à la réduction de la transmission et à l’amélioration de la compréhension du VIH.

Je crois que la stigmatisation et la discrimination soulèvent des défis pour les individus, dans le dévoilement de leur statut VIH. Nous savons tous que cela a conduit à la criminalisation des personnes qui échouent à dévoiler leur statut à leurs partenaires sexuels. Nous avons parlé un peu de cela. C’était intéressant de parler à la ministre de la Santé de certains de ces enjeux connexes, pour voir si elle pourrait nous aider à impliquer d’autres ministères fédéraux comme celui de la Justice, qui pourrait être la clé pour atténuer le recours excessif aux tribunaux. La réduction de la stigmatisation sera essentielle à joindre les personnes vivant avec le VIH qui n’ont pas encore été dépistées et ne sont donc pas au courant de leur séropositivité.

Je crois que notre compréhension actuelle de la science est que ceux d’entre nous qui suivent un traitement anti-VIH et ont atteint une charge virale indétectable sont peu susceptibles de transmettre le virus. Cela nous apporte une meilleure compréhension de ce qu’il faut faire pour réduire la transmission ultérieure du VIH. Et cela inclut d’instaurer des conditions propices à ce que les gens prennent l’initiative de se faire dépister et aient moins peur d’être criminalisés. Nous devons nous assurer que les personnes qui reçoivent un diagnostic de VIH développent un lien de confiance avec le système de soins de santé et des professionnels de la santé qui pourront leur expliquer les bienfaits des traitements – d’une manière adaptée à leurs besoins individuels.

Nous reconnaissons l’existence de bienfaits de santé publique à tout cela, mais je suis convaincu que notre travail dans les communautés doit se concentrer d’abord et avant tout sur les bienfaits des traitements pour les individus. Les bienfaits pour la santé publique sont bien, mais en tant que personne de la communauté, ma préoccupation principale concerne la santé et le bien-être individuels. 

Notre degré de compréhension du VIH en tant que maladie médicale et sociale devrait nous inciter à travailler de manière intersectorielle et à abolir la compartimentation, qui a trop souvent créé des obstacles à la réduction de la transmission et à de meilleurs résultats de santé pour les individus de nos communautés d’intérêt.

SCS : As-tu une dernière réflexion à partager au sujet de tes années de militantisme communautaire?

Ron : Oui. Au cours de mes années de plaidoyer pour l’accès aux traitements, je trouvais important de donner une voix à ceux qui n’en ont pas dans notre société. Ce qui s’est avéré gratifiant pour moi, dans ce travail, est de constater que nous avons réussi à mobiliser plusieurs personnes qui ont développé des voix solides, et à travailler avec elles. J’en suis très fier!

SCS : Merci d’avoir pris le temps de partager ton expérience avec nous!

Ron : Merci de m’avoir offert cette occasion.

 
Vous pouvez joindre Ron par le biais du site web Progressive Consultants Network of Toronto.

 

 

 

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